LA REFORME DE LA SAISIE DES REMUNERATIONS
LA DÉJUDICIARISATION DE LA PROCÉDURE DE SAISIE DES RÉMUNÉRATIONS AU PROFIT DES COMMISSAIRES DE JUSTICE
La saisie des rémunérations est une mesure d’exécution forcée qui permet à un créancier de prélever directement des sommes en paiement de sa créance auprès de l’employeur de son débiteur, en cas de non paiement de la dette par ce dernier. Il s’agit d’une retenue sur la fraction saisissable du salaire du débiteur salarié. Dès lors, celui-ci ne reçoit qu’une partie de son salaire.
Pour que cette mesure soit mise en œuvre, le créancier doit obligatoirement être muni d’un titre exécutoire, c’est-à-dire, un écrit qui lui permet d’obtenir le recouvrement forcé de sa créance. Ce titre doit constater que sa créance est liquide et exigible. Par ailleurs, la saisie des rémunérations ne peut être réalisée que si le débiteur exerce une fonction de salarié.
Jusqu’alors, la procédure de saisie des rémunérations était judiciaire, il convenait au créancier de saisir par requête, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire dont dépend le domicile du débiteur. Si ce domicile se trouvait à l’étranger ou était inconnu, alors était compétent le juge de l’exécution dont dépend le domicile de l’employeur du débiteur. La requête devait comporter un certain nombre de mentions à peine de nullité (éléments d'identification du créancier, de l’employeur, et du débiteur, décompte distinct des sommes réclamés au principal, frais et intérêts échus). En outre, la procédure devait être précédée d’une tentative de conciliation obligatoire entre créancier et débiteur, afin de préserver la relation de travail entre le débiteur et son employeur. Une audience de conciliation avait lieu entre les parties, si celle-ci n’aboutissait pas, un procès-verbal de non-conciliation était établi et le juge vérifiait le montant de la créance pour que la saisie soit réalisée. Un acte de saisie était adressé à l’employeur par le greffe du tribunal judiciaire. Ce dernier était chargé de la mise en œuvre de la saisie et du suivi de l’état de la créance. Enfin, en matière de levée de la saisie, il revenait également au juge de l’exécution de constater l’extinction de la dette par le débiteur ou la conclusion d’un accord avec le créancier.
La loi n°2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 a prévu une déjudiciarisation de la procédure de saisie des rémunération, dont la mise en œuvre rentrerait dans le champ de compétence du commissaire de justice. Le décret n° 2025-125 du 12 février 2025 est venu préciser les contours de la réforme de la procédure de saisie des rémunérations. La nouvelle procédure sera effective à partir du 1er juillet 2025. La réforme s'inscrit dans un mouvement de modernisation processuel, participant au désengorgement des tribunaux judiciaires et par conséquent, élargit le champ d’action du commissaire de justice.
Désormais, selon la réforme, le commissaire de justice est compétent pour initier la procédure de saisie des rémunérations, en signifiant un commandement de payer au débiteur. Ce dernier dispose d’un mois pour s’exécuter, trouver un accord avec le créancier ou contester la mesure. Si à l’expiration de ce délai, le débiteur reste passif, le créancier dispose de trois mois pour signifier un procès-verbal de saisie à l’employeur du débiteur. Il n’y a donc plus de requête au tribunal judiciaire, ni la tenue d’une audience de conciliation, l’entière procédure passe par l’intermédiaire du commissaire de justice.
Un commissaire de justice “répartiteur”, formé spécifiquement au suivi de ces procédures est désigné pour la mise en oeuvre de la saisie des rémunérations et se substitue aux tâches précédemment exercées par la greffe du tribunal judiciaire. Il est chargé d'informer les différentes parties sur l’état de la procédure, et de gérer la répartition des sommes saisies entre les créanciers, en cas de pluralité de ceux-ci.
L’autre nouveauté de la réforme est la création d’un registre national des saisies des rémunérations, dont l'objectif est de répertorier toutes les saisies. La Chambre nationale des commissaires de justice est chargée de la tenue de ce registre.
La déjudiciarisation de la procédure n'entraîne pas totalement le désintéressement du juge aux saisies des rémunérations. Celui-ci conserve son pouvoir de contrôle dans le calcul des quotités saisissables sur le salaire du débiteur, qui bénéficie d’une protection par des règles de calcul et un minimum insaisissable prévu par le Code du travail. Le recours au juge peut s’effectuer au début de la procédure par contestation, à la réception du commandement de payer, cela aura pour effet de suspendre la procédure et donc les paiements. Le débiteur peut également saisir le juge pendant la mise en œuvre de la procédure, mais cette saisine ne peut en suspendre l’exécution.
La Chambre nationale de commissaires de justice conseille aux créanciers de ne plus déposer de nouvelles requêtes en saisie des rémunérations auprès des tribunaux à compter du 1er mars, afin d’éviter que leur dossier ne soit pris dans la phase de transition entre l’ancienne et la nouvelle procédure. Cette anticipation de la part des créanciers, permettra la pleine efficacité de la mesure au regard du nouveau dispositif, et assurera la continuité dans le recouvrement des créances.
En effet, à compter du 1er juillet 2025, toutes les saisies des rémunérations se feront selon la nouvelle procédure.
Qu’en est-il des procédures en cours ? Celles-ci seront transmises des tribunaux entre les mains du commissaire de justice. Le tiers saisi (l’employeur) cesse tout versements aux tribunaux. Si le créancier est assisté par un commissaire de justice, alors la procédure de recouvrement par saisie des rémunérations lui est transmise directement. En revanche, si le créancier n’a pas de commissaire de justice, la procédure est transmise à la chambre régionale des commissaires de justice qui va se charger de désigner un commissaire de justice compétent pour connaître de la procédure.
Il est obligatoire pour le créancier de confirmer la poursuite de la procédure de saisie des rémunérations auprès du commissaire de justice, dans un délai de trois mois. La confirmation est inscrite sur le nouveau registre national de saisie des rémunérations, ce qui va permettre ensuite la désignation du commissaire de justice répartiteur, chargé de reprendre les versements auprès du tiers saisi.
Toutes requêtes en saisie, ainsi que les contestations et demandes incidentes ayant été introduites avant le 1er juillet 2025 seront transmises au commissaire de justice après qu’une décision judiciaire soit définitive.
Depuis le 1er juillet 2022, la nouvelle profession de commissaire de justice est venue remplacer les anciennes professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur, tout en continuant à exercer les missions qui y étaient précédemment attachées. Parmi le champ de compétence du commissaire de justice, celui-ci est chargé de mettre en œuvre le recouvrement des créances. C’est donc naturellement que dans une volonté de déjudiciarisation de la procédure de saisie des rémunérations, la loi de 2023 et le décret de 2025 ont confié aux commissaires de justice de connaître de l’intégralité de la mise en œuvre d’une mesure particulièrement efficace de recouvrement pour les créanciers.